samedi 5 octobre 2019

Un peu d'épigraphie latine

Pour tous ceux qui en ignorent l'utilité, ou qui encore considèrent que l'étude en est trop complexe, voici un bref exemple d'épigraphie latine . 





IMP NERO CLAVD CAESAR AVG GER P M TR P P P
IMP(ERATOR) NERO CLAVD(IVS) CAESAR AUG(VSTVS) GER(MANICVS) P(ONTIFEX)
M(AXIMVS) TR(IBVNICIA) P(OTESTATE) P(ATER) P(ATRIAE)


Traduction : Imperator Neron Claudius César Auguste Germanicus, Grand Pontife, investi de la puissance  tribunicienne, Père de la Patrie. 

Cette monnaie est un sesterce de Néron, qui régna de 54 à 68. Sur  l'avers Néron est présenté regardant à droite, portant le bandeau hellénistique des empereurs  grecs. Outre le profil présenté sans flatterie mais avec le réalisme habituel appliqué aux portraits monétaires de Néron, on distingue les noms et titres qu'il portait.


La titulature impériale romaine est complexe à présenter, car il n'existe pas de titre officiel relatif à ce que nous appelons « empereur », et le nom même d'«empereur» est souvent improprement employé en France pour Rome. C'est la raison pour laquelle ces titres dont on gratifiait les premiers personnages de l'état ont connu des évolutions au cours des siècles de l'Empire. Sous les Julio-Claudiens, une grande part d'usage et d'habitude entrait dans l'octroi de ces titres : ces derniers étaient attribués à chaque nouveau prince, parce que le ou les précédents les avaient reçus.

Les tria nomina sont présents ici, mais le mot Imperator, que César reçut et qu'Auguste reprit, n'est pas un titre mais un prénom. Auguste inaugura la séquence Imperator Caesar Augustus, que nous trouvons reprise ici.

Ce terme d'Imperator très ancien, porté par le Jupiter de Préneste, fait référence à l'imperium dont dispose le souverain. Caesar est le gentilice officiel des empereurs, depuis Auguste. Pour des raisons inconnus Tibère Caligula et Claude refusèrent de le porter.

Le nomen gentile personnel est présent sous la forme du rappel de la gens Claudia, la filiation étant une façon d'affirmer la légitimité du souverain, essentielle dans le cas présent puisque Néron parvint au pouvoir après une adoption par Claude et l'assassinat du légitime héritier, Britannicus. Germanicus est également un rappel de sa filiation, de son père biologique Germanicus, dont le nom glorieux était encore vénéré par les Romains.

Les titres proprement dits devraient commencer par les cognomina ex virtute, mais Néron, n'ayant pas un bilan guerrier remarquable, n'en dispose pas. Peut-être le nom de Germanicus pouvait-il duper certains Romains, et leur faire croire que Néron avait bataillé en Germanie.

Pontifex Maximus est un titre très ancien, porté par César, puis Lépide, Auguste et par la suite tous les empereurs. Présidant le collège des Pontifes, l'empereur disposait d'un vrai pouvoir, en apparence spirituel, mais en fait temporel tant l'imbrication du politique et du religieux est constante dans l'Antiquité. La puissance tribunicienne était attribuée chaque année, c'était une magistrature qui protégeait l'empereur par la sacro-sainteté ; les pouvoirs judiciaires et législatifs du tribun lui étaient aussi accordés.

Néron est enfin Pater Patriae : titre qui existait sous la République, puisque Cicéron l'avait reçu après la Conjuration de Catilina, attribué par le Sénat ; titre purement honorifique, sans pouvoir particulier, il fut même refusé par certains empereurs comme Tibère.