In
Romanis antiquiis temporibus, memoria magnum pondus habet, sed arcana
manet.
Memoriam
habere in hominis definitione secundum Ciceronem continetur :
« animal
hoc providum, sagax, multiplex, acutum, memor, plenum rationis et
consilii, quem vocamus hominem. » (De
legibus,
I, 22).
Homo
excellens, nobilissimus, memoriam deponere non potest : quae
virtus est. In De Senectute tractatu a Cicerone scripto, Cato
negat senum memoriam robur amittere. In eodem tractatu (qui quoque
Cato Major inscribitur), Cato dicit per diaeteticam
memoriam tam validam quam corpus esse, tamtum pigros viros obliviosos
fieri.
In
Roma antiqua nemo, ne medici quidem, sibi fingit memoriam aegram vel
languidam esse posse. Nullus medicus animo fingere potest morbum
quemdam esse sicut Alzheimer morbum qui ad senes pertinet, nam vitae
spes brevior est quam in nostris temporibus. Memoria non separata ab
corpore est, quasi in potestate corporis est. Sunt casus memoriae
amissae, quos Plinius Senior commemorat : « Ictus
lapide oblitus est litteras tantum ; ex praealto tecto lapsus
matris et adfinium propinquorumque cepit oblivinionem, alius aegrotus
servorum, etiam sui vero nominis Messala Corvinus orator »
(Plinius
Senior,
Naturalis
Historia,
VII, 90). Quae memoriae defectiones icti aut
morbi externi condiciones sunt.
Ubi
memoria in hominis corpore ponitur ? Multi loci sunt quia Romani
secum quaerunt si memoria in corde sit (verbum praesens in
recordatione), in aure (locus quo alicujus verba accipiuntur), in
stomacho (per memoriae similitudinem sensus sunt cibi). Memoriane
animi instrumentum est, hominis spiritualis vis, aut mentis
instrumentum, rationalis cogitationis ? Homo Romanus id nescit.
Tum
memoria virtus est quae commercia tuta cum aliis firmat : ejus
gratia civis majores suos, nomen, officia reminiscit.
Romanus
tamen ut memoriam amittat in duobus temporibus permittitur. In
convivio vinum, dum Romanus otiosus est, consumptum non damnatur :
negotia et res publicas oblivisci permittit. Amor quoque oblivionem
facit, ob beatitudinem sensuum quae efficitur. Quintus Horatius
Flaccus poeta liberi civis dua tempora colligit , sed dua tempora
privata longe ab publicis muneribus sunt. Phrynen, graecam amicam
amat, et ipse amoris consequentiis obstupescit : « Mollis
inertia cur tantam diffuderit imis / oblivionem sensibus, / pocula
Lethaeos ut si ducentia somnos arente fauce traxerim, / candide
Maecenas, occidis saepe rogando [...]. »
(Horatius,
Epodon
liber,
14, 1-5).
Mnémosyne, mosaïque du musée d'Antioche. |
Dans l'Antiquité
romaine, la mémoire a une grande
importance, mais elle reste
mystérieuse.
Le fait d'avoir de la mémoire
entre dans la définition que Cicéron donne de l'homme : « cet
être vivant qui est prévoyant, pénétrant, multiple, qui a de
l'acuité, de la mémoire, qui est plein de raison et d'intelligence,
que nous appelons homme » (De legibus, I, 22). L'homme
excellent, appartenant à l'élite, ne peut perdre la mémoire :
elle est une qualité. Dans le De Senectute de Cicéron réfute
l'idée selon laquelle la mémoire des vieillards perd en vigueur.
Dans le Cato Major, Caton dit que son hygiène de vie lui
donne une mémoire aussi bonne que son corps, que seuls les paresseux
deviennent oublieux.
À Rome, personne, pas même
les médecins, ne s'imagine que la mémoire puisse être malade ou
défaillante. Aucun médecin ne peut imaginer une maladie comme la
maladie d'Alzheimer qui touche les vieillards, car l'espérance de
vie est plus courte qu'aujourd'hui. La mémoire n'est pas isolée du
corps, elle en dépend. Il existe des cas d'amnésie, que Pline
l'Ancien mentionne. « Frappé par une pierre, un homme oublia
seulement les lettres ; tombé du haut d'un toit très élevé,
un autre ne reconnut plus ni sa mère, ni ses parents par alliance,
ni ses proches ; un autre ne reconnut plus ses esclaves pendant
une maladie ; l'orateur Messala Corvinus oublia jusqu'à son
propre nom » (Histoire naturelle, VII, 90). Ces cas
d'amnésie sont toujours causés par un choc ou une maladie
extérieurs.
Où la mémoire se
situe-t-elle en l'homme ? Les localisations sont nombreuses, on
se demande si elle demeure dans le coeur (cor, mot présent
dans recordatio), l'oreille (lieu où sont reçues les paroles
de quelqu'un), l'estomac (par analogie à la mémoire, les sentiments
constituent les aliments). La mémoire est-elle un instrument de
l'âme, animus, énergie spirituelle de la personne ou de
l'esprit, mens, sa pensée rationnelle ? L'homme romain
ne le sait pas.
La mémoire est en tout cas
une qualité qui assure de bonnes relations avec les autres humains :
grâce à elle, le citoyen se souvient de ses ancêtres, de son nom,
de ses devoirs.
L'homme romain peut cependant
être autorisé à perdre la mémoire temporairement en deux
circonstances. Le vin consommé dans un banquet, pendant son otium,
n'est pas jugé négativement : il permet d'oublier les
affaires, la politique. L'amour provoque aussi l'oubli, par la
béatitude causée par la personne aimée. Horace résume ces deux
moments de la vie du citoyen libre, mais ce sont deux moments privés
où le citoyen n'exerce plus son rôle politique. Il est amoureux de
Phryné, courstisane grecque, et s'étonne lui-même des conséquences
de l'amour : « Pourquoi une paresse amollissante a répandu
au plus profond de mes sens, comme si j'avais aspiré, d'une gorge
desséchée, des coupes versant avec elles un sommeil léthéen, tu
me tues, loyal Mécène, à me le demander sans cesse […]. »
(Horace, Épodes, 14, 1-5).
Clarisse Chassanite scripsit (Terminale S5).
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