Source personnelle |
L'amphithéâtre de Lyon, classé monument historique depuis 1961, est situé sur la colline de la Croix Rousse. En ligne droite, il est distant de 400 m environ des rives de la Saône. Mais la ligne droite ne signifie rien sur la colline de la Croix Rousse, car le dénivelé est important, comme le prouve ce relevé topographique des lieux.
L'image par satellite permet de visualiser l'insertion de l'amphithéâtre dans la ville et de comprendre les raisons de son édification : il était situé près du sanctuaire des Trois Gaules, et surtout dominait les rives des deux fleuves, affirmant ainsi la puissance de Rome sur tout bateau qui descendait ces importants axes de communication.
Source: Google Earth. |
Sa fondation remonte au règne de Tibère, successeur d'Auguste, en l'année 19 de l'ère chrétienne, bien avant les amphithéâtres de Nîmes et Arles, preuve de l'attention que le pouvoir impérial portait à Lugdunum-Lyon. Une inscription retrouvée sur un bloc de pierre permet de dater précisément l'événement.
Source : Carole Raddato, Germany https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=30152349 |
Magnifique inscription typique du style classique augustéen : les lettres sont en capitales carrées, uniformes, gravées dans un alignement parfait, les sillons sont d'égale épaisseur et les hastes (= trait principal de la lettre, vertical ou oblique) sont pattées (terminées par un petit triangle). L'inscription a été découverte en février 1958, elle est conservée au musée gallo-romain de Lyon. Elle est parvenue morcelée en deux parties ; chacune mesure 1,78 m x 0,80 m x 0,27 m. Les lettres sont de trois hauteurs : 0, 15 m ; 0, 125 m ; 0, 10 m. On constate 4 ligatures : AV, NE, NT, NT.
Il faut prendre garde à la restitution : P. Wuilleumier en envisage 3 possibles pour deux passages lacunaires. Cependant, voici une restitution probable, qui a ma préférence :
E* TI* CAESARIS* AUG AMPHITEATR/
ODIO C IUL C RUFUS SACERDOS ROM ET AUG/
FILII F ET NEPOS EX CIVITATE SANON* D* S* P* FECERUNT
[Pro salut]e Ti. Caesaris Aug(usti) amphitheatr(um) / [cum harena et p]odio C. Iulius C(aii) f(ilius) Rufus, sacerdos R(omae) et Aug(usti)/ filii f(ilius) et nepos ex civitate Santonum de s(ua) p(ecunia) fecerunt
Pour le salut de Tibère César Auguste, cet amphithéâtre pourvu d'une arène et d'un podium, C. Iulius Rufus, prêtre de Rome et d'Auguste, son fils et son grand-père, de la cité des Santons, l'ont fait édifier à leur propres frais.
Dans son premier état, l'amphithéâtre ne comptait que quatre gradins, et ne pouvait contenir que 1800 personnes environ. Ses dimensions au sol étaient de 67,6 m sur 42 m. Entre 130 et 136 il fut réaménagé : deux gradins supérieurs furent ajoutés, et la capacité globale atteignit les 20 000 spectateurs environ.
L'édifice n'a été dégagé que partiellement par les fouilles menées de 1956 à 1978. Sur les deux documents suivants, il est aisé de comprendre pourquoi : une partie du quartier a été construite sur l'emplacement de l'amphithéâtre, et pour tout dégager il faudrait, par exemple, raser l'école primaire, supprimer des axes de communication.
Source : Google Earth |
Source : Tranoy et Ayala. |
J.C Golvin reconstitue ainsi l'amphithéâtre et le sanctuaire des trois Gaules adjacent. La perspective peut ici nous tromper, et faire croire que les distances entre la rive et le bâtiment sont moins importantes que dans la réalité. Le dessin d'ensemble de Lyon sous l'Empire, toujours de J.C. Golvin, permet de mieux comprendre où se situait l'ensemble architectural par rapport à la rive de la Saône.
Source : http://jeanclaudegolvin.com/lugdunum-lyon/ |
Source : http://www.amis-chassenon.org/galerie-76-laquarelliste-jean-claude-golvin-en-conference-a-cassinomagus.html |
Source : http://jeanclaudegolvin.com/lugdunum-lyon/ |
Bien que partiellement dégagé, l'amphithéâtre n'en est pas moins impressionnant. Peu de visiteurs montent jusqu'au petit jardin des plantes par lequel on pénètre dans l'amphithéâtre. Ainsi les ruines paraissent-elles abandonnées, reposant dans une mélancolie qu'accentue encore le souvenir des martyrs de 177. Le poteau, au centre de l'arène, est placé à l'emplacement où, probablement, la jeune Blandine, chrétienne de 15 ans, fut martyrisée, conduite plusieurs fois dans l'arène avant qu'on ne l'achève.
Deux vues de la grande entrées nord-ouest. Source personnelle. |
Vue prise du haut l'escalier longeant l'amphithéâtre. Source personnelle. |
Source personnelle. |
Source personnelle. |
Source personnelle. |
Source personnelle. Vue prise depuis l'arène. En face : l'entrée, et au premier plan le poteau des Martyrs chrétiens. |
Blandine, icône de l'Atelier d'icônes Sainte Catherine. |
Voici, tirés du livre IV de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée, trad. E. Grapin, Paris, Librairie Alphonse Picard et Fils, 1911, les extraits du martyre de Blandine de Lyon.
[37]
Maturus, Sanctus, Blandine et Attale furent donc conduits aux bêtes
à l'amphithéâtre et au spectacle commun de l'inhumanité des
païens. C'était précisément la journée des combats de bêtes,
donnée avec le concours des nôtres.
[37]
Ὁ μὲν οὖν Μάτουρος καὶ ὁ Σάγκτος καὶ
ἡ Βλανδῖνα καὶ Ἄτταλος ἤγοντο ἐπὶ
τὰ θηρία εἰς τὸ δημόσιον καὶ εἰς
κοινὸν τῶν ἐθνῶν τῆς ἀπανθρωπίας
θέαμα, ἐπίτηδες τῆς τῶν θηριομαχίων
ἡμέρας διὰ τοὺς ἡμετέρους διδομένης.
[41]
Blandine fut liée et suspendue à un poteau pour être dévorée par
les bêtes lancées contre elle : la regarder ainsi attachée en
forme de croix, l'entendre prier à haute voix, donnait aux athlètes
un grand courage : il leur semblait, dans ce combat, voir des yeux du
corps, en leur sœur, Celui qui a été crucifié pour eux, afin de
persuader à ceux qui croient en lui, que quiconque souffre ici-bas
pour la gloire du Christ aura éternellement part au Dieu vivant.
[42] Or, pas une des bêtes ne la toucha en ce moment ; détachée du
poteau, elle fut ramenée dans sa prison et réservée pour un autre
combat ; c'était afin qu'elle fût victorieuse dans des luttes plus
nombreuses, qu'elle attirât sur le serpent tortueux une condamnation
inexorable et qu'elle fut pour ses frères une exhortation, elle,
petite, faible, méprisée, revêtue du Christ, le grand et
invincible athlète, maîtresse de l'adversaire dans les maintes
rencontres qui lui étaient échues par le sort, couronnée par ce
combat de la couronne de l'incorruptibilité.
[41]
Ἡ δὲ Βλανδῖνα ἐπὶ ξύλου κρεμασθεῖσα
προύκειτο βορὰ τῶν εἰσβαλλομένων
θηρίων· ἣ καὶ διὰ τοῦ βλέπεσθαι
σταυροῦ σχήματι κρεμαμένη διὰ τῆς
εὐτόνου προσευχῆς πολλὴν προθυμίαν
τοῖς ἀγωνιζομένοις ἐνεποίει, βλεπόντων
αὐτῶν ἐν τῷ ἀγῶνι καὶ τοῖς ἔξωθεν
ὀφθαλμοῖς διὰ τῆς ἀδελφῆς τὸν ὑπὲρ
αὐτῶν ἐσταυρωμένον, ἵνα πείσῃ τοὺς
πιστεύοντας εἰς αὐτὸν ὅτι πᾶς ὁ ὑπὲρ
τῆς Χριστοῦ δόξης παθὼν τὴν κοινωνίαν
ἀεὶ ἔχει μετὰ τοῦ ζῶντος θεοῦ. [42]
Καὶ μηδενὸς ἁψαμένου τότε τῶν θηρίων
αὐτῆς, καθαιρεθεῖσα ἀπὸ τοῦ ξύλου
ἀνελήφθη πάλιν εἰς τὴν εἱρκτήν, εἰς
ἄλλον ἀγῶνα τηρουμένη, ἵνα διὰ
πλειόνων γυμνασμάτων νικήσασα, τῷ
μὲν σκολιῷ ὄφει ἀπαραίτητον ποιήσῃ
τὴν καταδίκην, προτρέψηται δὲ τοὺς
ἀδελφούς, ἡ μικρὰ καὶ ἀσθενὴς καὶ
εὐκαταφρόνητος μέγαν καὶ ἀκαταγώνιστον
ἀθλητὴν Χριστὸν ἐνδεδυμένη, διὰ
πολλῶν κλήρων ἐκβιάσασα τὸν ἀντικείμενον
καὶ δι´ ἀγῶνος τὸν τῆς ἀφθαρσίας
στεψαμένη στέφανον.
[55]
Restait la bienheureuse Blandine, la dernière de tous, comme une
noble mère qui vient d'exhorter
ses
enfants et de les envoyer victorieux auprès du roi ; elle parcourt
de nouveau elle-même à son tour toute la série de leurs combats et
se hâte vers eux, pleine de joie et d'allégresse en ce départ ;
elle semblait appelée à un banquet de noces et non pas jetée aux
bêtes. [56] Après les fouets, après les fauves, après le gril, on
la mit en dernier lieu dans un filet et on la présenta à un taureau
: elle fut assez longtemps projetée par l'animal, mais elle
n'éprouvait aucun sentiment de ce qui lui arrivait, grâce à
l'espérance, à l'attachement aux biens de la foi et à sa
conversation avec le Christ. Elle fut immolée elle aussi, et les
païens eux-mêmes avouèrent que jamais parmi eux une femme n'avait
enduré d'aussi nombreux et durs tourments.
[55]
Ἡ δὲ μακαρία Βλανδῖνα πάντων ἐσχάτη,
καθάπερ μήτηρ εὐγενὴς παρορμήσασα
τὰ τέκνα καὶ νικηφόρους προπέμψασα
πρὸς τὸν βασιλέα, ἀναμετρουμένη καὶ
αὐτὴ πάντα τὰ τῶν παίδων ἀγωνίσματα
ἔσπευδεν πρὸς αὐτούς, χαίρουσα καὶ
ἀγαλλιωμένη ἐπὶ τῇ ἐξόδῳ, ὡς εἰς
νυμφικὸν δεῖπνον κεκλημένη, ἀλλὰ μὴ
πρὸς θηρία βεβλημένη· [56] καὶ μετὰ
τὰς μάστιγας, μετὰ τὰ θηρία, μετὰ τὸ
τήγανον, τοὔσχατον εἰς γυργαθὸν
βληθεῖσα ταύρῳ παρεβλήθη, καὶ ἱκανῶς
ἀναβληθεῖσα πρὸς τοῦ ζῴου μηδὲ
αἴσθησιν ἔτι τῶν συμβαινόντων ἔχουσα
διὰ τὴν ἐλπίδα καὶ ἐποχὴν τῶν
πεπιστευμένων καὶ ὁμιλίαν πρὸς
Χριστόν, ἐτύθη καὶ αὐτή, καὶ αὐτῶν
ὁμολογούντων τῶν ἐθνῶν ὅτι μηδεπώποτε
παρ´ αὐτοῖς γυνὴ τοιαῦτα καὶ τοσαῦτα
ἔπαθεν.
Bibliographie :
L'Archéothéma 1, mars-avril 2009, consacré à Lyon.
Tranoy L., Ayala G., « Les pentes de la
Croix-Rousse à Lyon dans l'Antiquité. État des connaissances »,
Gallia 51, 1994, p. 171-189.
Wuilleumier P., Inscriptions latines des Trois Gaules, Supplément XVII à Gallia, Paris, CNRS, 1963, p. 79-80.
Audin
A., "L'amphithéâtre des Trois Gaules à Lyon. Nouvelles
campagnes de fouilles (1971-1972, 1976-1978)", Gallia 37/1,
1979, p. 85-100.
Et les sites indiqués en légende.
C. Chassanite
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